Le technicien Pascal m’a téléphoné hier. La culture d’urine est négative. Pas de bactérie. Pas besoin d’antibiotique, mais peut-être qu’une nourriture qui incite l’animal à uriner davantage serait indiquée.
– La vétérinaire qui s’est occupée de Mia, Docteure Martin, sera enchantée d’apprendre que sa patiente n’est pas malade, finalement, a-t-il ajouté.
Je n’ai même pas sursauté au mot « patiente ». Je me suis contentée de me dire que c’était la réalité d’aujourd’hui. À mon âge, on se tient plus volontiers en bordure du chemin et on observe la caravane qui passe. Il n’y a pas longtemps, j’aurais voulu être dedans. Je n’abdique pas, mais je m’adapte. Mia fait la même chose. Elle sort encore, mais plutôt que d’explorer les alentours et de revenir à la maison la fourrure agrémentée de brins de foin séché, elle s’étend dans le paillis derrière les Rudbeckies !
Cela me fait penser à un extrait de mon Tome IV dans lequel je relate une démarche que j’ai eu à faire pour annuler un double paiement sur la plateforme JustEat. Dans le premier texte à ce sujet, je me scandalise un peu d’avoir à me dépatouiller auprès de divers interlocuteurs pour régler mon problème. Dans le deuxième texte, je suis contente d’avoir tout réglé agréablement avec Jessica, en formule clavardage. Dans le premier texte, où je me positionne comme étant rébarbative aux technologies, je me suis sentie vieille. Dans le deuxième texte, où j’opte pour ne pas être, comme je le dis, « sur le frein », je me suis sentie jeune. En fin de compte, ou « dans le fond », l’enjeu est toujours le même : se prêter au jeu, ou ne pas s’y prêter.
– Maintenant, Mme Longpré, pour ce qui est de la raison qui pourrait expliquer l’infection urinaire, il pourrait s’agir d’un choc émotif.
– Vous êtes bien gentil de prendre la peine de me contacter un samedi, me suis-je empressée de répondre.
Je n’ai pas eu envie d’aborder au téléphone la question d’un tel choc. Je préférais, assise à la fenêtre d’un wagon de la caravane, seule ou avec Denauzier, y réfléchir tranquille. Nous ne voyons qu’une possibilité : nos absences répétées pendant lesquelles Chatonne se sent abandonnée ? Nous ne nous absentons pas si longtemps, entre quatre et sept jours, et j’essaie de trouver des âmes charitables qui séjournent à la maison pour garder Mia, mais l’absence n’en est peut-être pas moins difficile ?
Je traverse un temps mort de créativité. Nous attendons les tiges de métal pour poursuivre l’installation des pancartes sur le terrain. J’ai entamé hier la lecture de Faites de beaux rêves que j’ai lu il y a longtemps, mais cela ne m’a pas tellement plu. Il faudrait que je relise aussi les deux Modiano pour mieux cerner les thèmes qu’il exploite. Pour l’instant, j’ai retenu les zones neutres, les fantômes du passé, les contrats d’écriture technique, ou publicitaire, ou alimentaire…
Je tombe en terminant sur cette conversation –soutenue par une fonction phatique fort sollicitée !– de Patrick Modiano avec je ne sais quelle journaliste de France Inter et j’en retiens une petite phrase, en lien avec mon texte d’aujourd’hui sur l’âge, la vieillesse : « Le passé devient intemporel à un moment donné. » La fin de l’entrevue est intéressante alors que nous venons de vivre, à travers l’observation de l’éclipse, un phénomène lié à l’univers, aux planètes…